Stabilité des systèmes linéaires

Cette étude de la stabilité des systèmes électroniques se limite à l'utilisation du critère de Nyquist.

  1. Critère de Nyquist
    1. propriétés d'une fonction de transfert ou immittance d’un système linéaire
      1. Nature mathématique
      2. Toute fonction de transfert ou immittance est une fraction rationnelle de la variable complexe p à coefficients réels. En effet, le système, constitué de sources, résistances et condensateurs est décrit par une équation intégro-différentielle linéaire à coefficients réels qui devient un système d’équations algébriques par transformation de Laplace. La solution de ce système est une fraction rationnelle, c’est à dire une fraction dont le numérateur et le dénominateur sont soit des polynômes à coefficients réels en p, soit eux-mêmes des fractions rationnelles qui peuvent par simplification se ramener à la forme précédente.

      3. Symétrie
      4. Si a est réel et p, p1, p2 des complexes, on démontre facilement :

        Dans cette expression, Ri (Ii) est la partie réelle (imaginaire) de la variable pi, l’étoile représente le complexe conjugué (même partie réelle, partie imaginaire opposée).

        Il en résulte que

        Par conséquent, si P(p) est un polynôme à coefficients réels de la variable complexe p, il possède la propriété suivante :

        Toute fraction rationnelle F(p) à coefficients réels de la variable complexe p possède aussi cette propriété, puisqu’elle est constituée de polynômes à coefficients réels.

      5. Pôles et zéros d’une fonction de transfert ou immittance

      Soit F(p) une fonction de transfert ou immittance, et p0 un de ses pôles (F(p) tend vers l’infini quand p tend vers p0) ou un de ses zéros (F(p) tend vers zéro quand p tend vers p0).

      Puisque , la fraction de transfert ou immittance tend aussi vers l’infini (ou zéro) lorsque p tend vers le conjugué de p0.

      les pôles et zéro sont soit réels, soit complexes conjugués 2 à 2.

      Dans le plan de la variable complexe p, les pôle et les zéros d’une fonction de transfert ou immittance sont soit sur l’axe réels, soit symétriques par rapport à cet axe.

    2. pôles et stabilité
      1. Définition d’un système stable
      2. Un système électronique est stable si sa sortie reste finie pour toute excitation finie appliquée à son entrée.

      3. Traduction sur la réponse impulsionnelle
      4. Un système électronique est stable si et seulement si l’intégrale de la valeur absolue de sa réponse impulsionnelle h(t) est finie, ce que l’on peut écrire :

      5. Traduction sur les pôles d’une fonction de transfert ou immittance
      6. Une décomposition en éléments simples de la fonction de transfert ou immittance permet de l’écrire sous la forme :

        où pi est le pôle numéro i, d’ordre n. La réponse impulsionnelle h(t) s’en déduit par transformée de Laplace inverse :

        Si pi est réel, l’intégrale de ce produit d’une exponentielle réelle par une puissance de t est finie si et seulement si pi est négatif.

        Si pi est complexe, il existe un autre pôle qui est son complexe conjugué et on peut regrouper les deux éléments simples :

        Dans cette expression, si est la partie réelle de chacun des deux pôles et wi la valeur absolue de leur partie imaginaire

        La contribution à la réponse impulsionnelle de chaque paire de pôles complexes est donc une oscillation, dont la pulsation est donnée par la partie imaginaire des pôles, et dont l'enveloppe est croissante ou décroissante selon le signe de la partie réelle du pôle. Dans ce cas aussi, l’intégrale du produit de exponentielle réelle par une puissance de t (l’enveloppe) par le cosinus est finie si et seulement si la partie réelle de pi est négatif.

        système stable partie réelle de tous les pôles de la fonction de transfert négative.

      7. Comportement du système en réponse à une impulsion de bruit

      Si on modélise une impulsion de bruit par une impulsion de Dirac, la réponse impulsionnelle représente la réponse du système à cette impulsion de bruit.

      On voit donc que la réponse sera dans le cas général la superposition d’une ou plusieurs exponentielles croissantes ou décroissante selon le signe des pôles réels et d’une ou plusieurs cosinusoïdes d’amplitude croissante ou décroissante selon le signe de la partie réelle des pôles complexes.

    3. Théorème de Cauchy
    4. Soit une fonction complexe F(p) de la variable complexe p. On considère les plans et . Chaque point de ces plans représente une valeur de p (respectivement F(p)) : la valeur particulière p0 de la variable p est représentée dans le premier plan par le point M0 de coordonnées , la valeur de F(p0) pour cette valeur particulière p0 de p est représentée dans le deuxième plan par le point N0 de coordonnées .

      Le théorème de Cauchy dit que, si on fait parcourir à p une suite de valeurs telles que son pont représentatif dans le plan décrit une courbe fermée C, le point représentatif de la suite des valeurs correspondantes prises par F(p) décrit dans le plan une courbe fermée G dont la position par rapport à l’origine donne une information sur le nombre P de pôles de F(p) et le nombre Z de zéros de F(p) contenus dans le domaine limité par C. Cette information est la suivante :

      La courbe G tourne autour de l’origine du plan de la fonctio F(p) un nombre N de fois tel que
      N=Z-P

      N est compté positivement sur G avec la même convention que sur C

      Dans l’exemple de la figure ci-dessous, la fonction F(p) possède 4 pôles complexes conjugués deux à deux (p1, p1*, p2, p2*) et un zéro réel (z1). le contour C contient deux des pôles et le zéro : P=2, Z=1, N=Z-P=-1. Lorsque le point représentatif de p tourne sur C dans le sens indiqué par la flèche (sens des aiguilles d’une montre), le point représentatif de F(p) tourne sur G en faisant -1 tour (N=-1), c’est-à-dire qu’il tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

    5. Critère de Nyquist
    6. On applique ce théorème pour étudier les zéros du dénominateur de la fonction de transfert H(p).

      H(p) est une fraction rationnelle à coefficients réels de la variable complexe p qui peut se mettre sous la forme :

      où, N(p) et D(p) sont eux mêmes des fractions rationnelles de p à coefficients réels (qui peuvent se réduire à des polynômes

      Les pôles de H(p) sont :

      1. les pôles de N(p) qui ne sont pas en même temps pôles de D(p)
      2. les zéros de D(p), qui ne sont pas en même temps zéros de N(p) . (il y aurait alors simplification possible qui ferait disparaître ces zéros)

      C’est le cas 2. (et lui seulement) que le théorème de Cauchy permet d’étudier. Le cas 1doit être étudié indépendamment. La réponse pour ce cas est souvent immédiate.

              1. Les zéros de D(p) à partie réelle positive
              2. Pour savoir si le système est stable ou non, après s’être assuré que le cas 1. ne se présente pas, on cherche à savoir combien D(p) possède de zéros à partie réelle positive. Pour cela on applique le théorème de Cauchy au contour C du plan qui contient tout le demi plan " partie réelle positive ". Ce contour est donc constitué de l’axe w (de - l'infini à + l'infini) et du demi cercle de rayon infini qui permet de fermer C à l’infini par la partie droite du plan complexe. La courbe G’ est donc construite en calculant D(p) pour p = jw, w variant de - " à + ", puis p = rejq, avec r infini et q variant de p/2 à -p/2. Le nombre de tours de G’ autour de l’origine (comptés positivement dans le sens des aiguilles d’une montre puisque C est parcourue elle-même dans le sens des aiguilles d’une montre) donnera donc la différence N = Z+ - P+, où Z+ (P+) est le nombre de zéros (de pôles) de D(p) à l’intérieur du contour C (donc à partie réelle positive).

                En pratique,, on n’étudie pas D(p) mais D(p)-1 = Gbo, le gain en boucle ouverte.

                Cette quantité Gbo(p) est en effet égale au produit du gain de la chaîne d'action et du gain de la chaîne de retour dans les cas où on peut identifier ces deux blocs. Le contour de Nyquist correspondant G se déduisant de G’ par une translation de -1 parallèlement à l’axe réel. On déterminera donc le nombre de tours N = Z+ - P+ de ce contour G autour du point critique de coordonnées (-1,0).

              3. La stabilité du système

      Il faut connaître Z+ pour décider de la stabilité ou de l’instabilité du système étudié. L’application du théorème de Cauchy donne N = Z+ - P+. Elle ne suffit donc pas à elle seule pour décider si le système est stable ou non. Il faut la compléter par l’étude directe de P+, nombre de pôles à partie réelle positive du dénominateur de la fonction de transfert, donc du gain en boucle ouverte. Cette étude est le plus souvent immédiate.

  2. Mise en œuvre pratique
    1. Calculer le gain en boucle ouverte
    2. Plusieurs situations possibles :

      1. La chaîne d'action et la chaîne de retour sont identifables
      2. Dans ce cas, le gain en boucle ouverte s'exprime immédiatement à partir des fonctions de transfert de ces deux blocs :

        où A(p) et B(p) sont les fonctions de transfert de la chaîne d'action et de la chaîne de retour respectivement.

        On a par ailleurs :

        (1)

      3. La chaîne d'action et la chaîne de retour ne sont pas facilement identifables

      Dans ce cas, le gain en boucle ouverte est simplement le dénominateur de la fonction de transfert du circuit diminué d'une unité

    3. Tracer le diagramme de Bode du gain en boucle ouverte
    4. Ce diagramme suffit la plupart du temps à donner les indications nécessaires pour tracer la partie du lieu de Nyquist qqui correspond à l'axe imaginaire dans le plan p (p=jw)

    5. " Bonne " et " mauvaise " approches
    6. La recherche des pôles d’une fonction de transfert est une démarche mathématique. Le calcul peut en général être mené de plusieurs façons, qui sont équivalentes quant aux résultats obtenus, mais peuvent être très différentes quant à leur lourdeur de mise en œuvre. Par exemple, si

      et

      (A et B sont des fractions rationnelles à coefficients réels de la variable complexe p), on a :

      (2)

      il est possible de manipuler cette expression et de l’écrire sous la forme :

      C’est à dire que l’on a divisé numérateur et dénominateur par le produit A(p)B(p). Cette expression, mathématiquement correcte tant que A(p)B(p) "` 0, représente donc aussi bien la réalité physique que la première. Elle peut cependant être plus difficile à exploiter.

      Dans les deux cas, la démarche est la même : Les pôles de H(p) sont les zéros de son dénominateur (1+AB pour l’expression (1), 1+ 1/(AB) pour l’expression (2)) et les pôles de son numérateur (A pour l’expression (1), 1/B pour l’expression (2)) qui ne sont pas en même temps des pôles de son dénominateur, c’est à dire sont en même temps des zéros de A dans les deux cas.

      Expression (1)

      Expression (2)

      Zéros de 1+AB

      Zéros de 1+1/AB

      Pôles de A zéros de B

      Pôles de A zéros de B

      On voit donc que selon le choix qui aura été fait, il faudra étudier le produit AB (qui est le gain en boucle ouverte selon le sens physique) ou son inverse 1/AB.

      Soit l’exemple simple du montage non inverseur. Le système d’équations sur lequel on aboutit en représentant, comme il est naturel, l’amplificateur différentiel par le gain qu’il apporte entre son entrée v- et sa sortie vs est le suivant :

      Le gain en boucle ouverte est donc dans ce cas là :

      Si on commet la maladresse de ne pas représenter l’intervention de l’amplificateur opérationnel par son effet sur v- qu’il multiplie par -A pour donner vs, on peut aboutir au système d'équations suivant :

      Dans ce système, toutes les relations sont vraies. Le gain en boucle ouverte qu’il permet d’écrire est :

      On va vérifier que l’étude de chacune des deux expressions conduit au même résultat. Ces deux études seront faites dans le cas où A possède trois fréquences de coupure w1, w2 et w3.

      1. Cas 1
      2. On voit sur ce diagramme de Bode que la courbe de Nyquist entoure le point critique (deux fois) puisque le module est supérieur à 1 quand la phase a tourné de p. Il y a deux pôles complexes conjugués à partie réelle positive.

        Pour que le montage soit stable, il faut diminuer le coefficient R1/(R1+R2).

      3. Cas 2
      4. Dans ce cas, le gain en boucle ouverte est proportionnel à 1/A et possède donc un pôle à l’infini. On est alors obligé de réfléchir au comportement de la courbe de Nyquist lorsque p varie entre et pour refermer le contour par le demi cercle de rayon infini Dans ce cas, le gain en boucle ouverte est de la forme r’ exp(3jq), avec r’ très grand, puisque p est de la forme r exp(jq), avec q variant entre +p/2 et -p/2 en passant par 0. 3q varie donc entre +3p/2 et - 3p/2, en passant également par 0. D’où l’allure ci-dessous de la courbe de Nyquist, où l’on voit qu’elle entoure le point critique au cours du trajet qui la referme à l’infini. On arrive aux mêmes conclusions que dans le cas précédent. (Pour la clarté de la figure, la moitié seulement de la courbe de Nyquist est représentée, il faut la compléter par symétrie).

         

  3. marge de gain, marge de phase, stabilité pratique.
  4. Dans la pratique on ne se contente pas d'un système théoriquement stable : il faut de plus qu'il ne s'approche pas trop de la limite de stabilité

    1. marge de gain
    2. Pour = -p, le module du gain doit être suffisamment inférieur à 1 ; la différence, en dB entre 1 ce module est la marge de gain.

    3. marge de phase
    4. Pour , le déphasage doit être suffisamment inférieur, en valeur absolue, à p ; la différence entre p et ce déphasage est la marge de phase.

      Un critère souvent adopté est une marge de phase de 45°.