Oscillateurs : systèmes non linéaires

Ce chapitre concerne l’étude de systèmes volontairement instables et dont le comportement est oscillatoire. Ils constituent les oscillateurs quasi sinusoïdaux qui fournissent une grandeur électrique dont l’amplitude oscille périodiquement dans le temps, en l’absence de toute excitation d’entrée. Le système oscillant est le plus souvent fortement non linéaire : une méthode d’étude de systèmes non linéaires est présentée.

1. Composants non linéaires. Linéarisation.

a. Définitions

Un composant est non linéaire si son équation fonctionnelle est elle-même non linéaire :

La méthode d’étude que nous adoptons ici est simple : nous chercherons à linéariser le ou les composants non linéaires, ce qui est fait habituellement dans l’approximation des petits signaux.

La résistance ci-dessus est linéarisée et représentée par le composant linéaire d’équation tant que le terme non linéaire peut être négligé devant le terme linéaire , c’est à dire tant que le courant i (et donc la tension v) est suffisamment petit :

On retrouve ici l’approximation habituelle des petits signaux.

La diode peut être représentée lorsqu’elle est bloquée par une résistance de forte valeur. Lorsqu’elle est polarisée en direct, elle peut être représentée par une résistance en série avec une source de tension. On a donc dans cet exemple aussi linéarisé le composant, après avoir identifié deux domaines de fonctionnement différents (diode en inverse, diode en direct). Une linéarisation différente, donc un schéma équivalent différent, s’applique dans chacun des deux domaines.

a. Exemple : résistance négative

C’est un dipôle, caractérisé par une relation donnant le courant entrant en fonction de la tension à ses bornes :

Dipôle en N

Dipôle en S

La diode tunnel présente une caractéristique de ce type (en N). On peut également faire la synthèse d’un tel dipôle, en utilisant par exemple un convertisseur négatif d’immittance (INIC) et en imposant une non linéarité :

Un dipôle en S

2. Oscillateurs quasi sinusoïdaux : démarrage

L’objectif de ce chapitre est de concevoir et étudier les propriétés de systèmes réactifs instables dans lesquels une oscillation quasi sinusoïdale apparaît spontanément. Son amplitude est croissante (exponentiellement) tant que le système reste dans le domaine de l’approximation des petits signaux à l’intérieur duquel il a été conçu. Lorsque l’amplitude de l’oscillation devient assez importante pour que des non linéarité apparaissent, il est possible que l’amplitude de l’oscillation tende vers une valeur stable. On a alors fabriqué un oscillateur quasi sinusoïdal.

Nous étudierons ces dispositifs dans les deux cas limites :

L'étude du démarrage est l’application directe de l’étude de la stabilité des systèmes du chapitre précédent. Sur un circuit donné, on va rechercher les conditions qui

Nous envisagerons deux démarche :

a. Calcul direct des propriétés des pôles d’une fonction de transfert ou immittance du circuit.

Si on met la fonction de transfert (ou l'immittance) sous la forme d’une fraction de deux polynômes en p (variable de Laplace) N(p) et D(p) et si le dénominateur D(p) n’est pas de degré trop élevé ou possède une forme que l’on peut traiter analytiquement, il suffit alors d’étudier les zéros de D(p) puisque ce sont les pôles de la fonction de transfert. Il faut donc résoudre l’équation

i. Cas où le degré de D(p) est égal à 2

On a alors à résoudre une équation du deuxième degré.

Dans ce cas, il y aura deux racines complexes conjuguées à partie réelle positive si :

ii. Cas limite : partie réelle nulle, critère de Barkhausen

Si les pôles sont complexes conjugués mais à partie réelle nulle (ils sont alors de la forme ), le comportement sera oscillatoire, mais d'amplitude constante (l’enveloppe de l’oscillation qui apparaît en réponse à une impulsion de bruit est constante). Cette condition est obtenue en écrivant l’équation ci-dessus et en imposant en plus que les solutions sont de la forme . Cette équation s’écrit donc :

C’est l’expression du critère de Barkhausen.

Cette équation est une équation complexe, qui recouvre deux équations : il faut annuler la partie réelle et la partie imaginaire de  :

iii. Exemple : oscillateur de Van der Pol

C’est un dipôle constitué de la mise en parallèle d’une résistance négative et d’un circuit résonnant RLC

Oscillateur de Van der Pol

Mise en équation

Puisqu’on est dans l’approximation linéaire des petits signaux, le dipôle à résistance négative est représenté par une résistance de valeur négative –r et on peut se placer dans le domaine de Laplace.

Puisque le montage est un dipôle, il est caractérisé par une immittance. On cherche à établir les conditions pour lesquelles une tension oscillatoire v prend naissance aux bornes du circuit, en l’absence de courant extérieur appliqué i. On calcule donc l’impédance .

Le courant i est la somme des courants passant dans chacun des 4 composants en parallèle :

On a posé G=1/R, g=1/r

et on a donc :

Il faut alors étudier les zéros du dénominateur de cette impédance, solutions de l’équation du deuxième degré en p : .

Critère de Barkausen

Le critère de Barkhausen s’écrit dans ce cas :

, équation équivalente au système de deux équations :

qui donnent la pulsation de l’oscillation d’amplitude constante qui prend naissance en réponse à une impulsion de bruit et la condition sur g et G pour que l’on soit dans cette condition limite.

Étude générale

On aura des pôles complexes conjugués si le déterminant de cette équation du deuxième degré en p est négatif :

La partie réelle de ces pôles sera positive ou nulle si la somme des racines est positive ou nulle :

Ces deux conditions imposent que g soit à l’intérieur du domaine :

Pour une valeur donnée de g à l’intérieur de ce domaine, la partie imaginaire des pôles, qui donne la pseudo pulsation de l’oscillation d’amplitude croissante qui prend naissance, est donnée par le module du déterminant divisé par 2 : On retrouve bien les résultats donnés à la limite g=G par le critère de Barkhausen.

b. Application de la méthode de Nyquist

Puisqu’on linéarise le système dans la limite des petits signaux, on est dans les conditions où la méthode de Nyquist a été établie dans le chapitre précédent. On peut donc l’appliquer directement pour étudier l’instabilité du montage. Il est cependant plus difficile dans le cas général de prévoir le type d’instabilité (oscillation ou saturation ?).

i. Modification de la présentation du lieu de Nyquist

Habituellement, on représente le lieu du gain en boucle ouverte Gbo(p) lorsque la variable complexe p parcourt le contour de Browich (lieu de Nyquist), puis on étudie la position du point critique de coordonnées -1 et 0 par rapport à ce lieu.

Il est pratique, pour les applications liées aux oscillateurs, de mettre le gain en boucle ouverte sous la forme d’un produit de deux facteurs dont l’un contient la dépendance en p et l’autre, indépendant de p, dépend en général du gain du montage :

puis de tracer le lieu de Nyquist de B(p). Il faut alors étudier ce nouveau lieu, déduit du précédent par une homothétie, par rapport à un nouveau point critique qui se déduit du précédent par la même homothétie : c’est le point critique . Une modification des paramètres de gain du montage se traduit alors simplement par un déplacement du point critique, sans qu’il soit nécessaire de retracer le lieu de Nyquist.

ii. Nature des pôles à partie réelle positive

On suppose que l’on a pu exploiter pleinement la méthode de Nyquist, c’est à dire que l’on connaît le nombre de pôles à partie réelle positive.

Si le nombre de pôles à partie réelle positive (pprp) est impair, il y a forcément au moins 1 pprp réel. Cette situation n’est pas favorable au démarrage certain d’une oscillation.

Si le nombre de pprp est pair, ce sont peut-être tous des paires de pôles complexes conjugués, mais il est possible qu’il y ai des paires de pôles réels (de valeur différente). Dans tous les cas la situation n’est pas favorable au démarrage d’une oscillation : plusieurs oscillations peuvent démarrer de façon concurrente dans le premier cas, le second cas est comparable au cas impair ci-dessus. Il faut donc se placer (si c’est possible) dans des conditions qui produisent une seule paire de pprp dont la position dans le plan complexe détermine les conditions de démarrage..

Si le nombre de pprp est égal à 2 (cas recommandé ci-dessus), peut-on savoir s’ils sont complexes conjugués ou réel ?

Si le lieu de B(p) tourne deux fois autour du point critique et que les deux tours se croisent sur l’axe réel, on peut prévoir qu’en modifiant la valeur de A (supposée réelle) on fait sortir le point critique des deux tours en même temps. Les deux pôles ont donc même partie réelle. Il peut donc s’agir de deux pôles complexes conjugués ou d’un pôle réel double.

iii. Exemple : oscillateur de Robinson

C’est un oscillateur constitué d’une réaction sélective autour d’un amplificateur de tension.

Oscillateur de Robinson

Le gain en boucle ouverte est facilement calculé en remarquant que la chaîne d'action (gain k) et la chaîne de réaction (pont diviseur constitué par R0 et le circuit résonant parallèle) sont facilement identifiables. Il faut cependant faire attention au signe.

Le gain du pont diviseur est : où Z est l’impédance du circuit bouchon et Y son admittance (gain du pont diviseur). Le gain en boucle ouverte est donc (attention au signe) :

On peut alors poser dans les notations précédentes :A = k et .

Le calcul de Y(p) donne alors :

Dont le lieu (vérifiez le) est constitué de deux boucles superposées croisant l’axe horizontal :

en 0 (pour ) et

en (pour )

Le montage aura donc deux pôles ou aucun pôle à partie réelle positive selon que le point critique est ou non à l’intérieur de cette boucle.

Il est à l’intérieur (ou à la limite) pour